la loi et la morale
I Philologie.
Morale. n. f. 1212. Latin moralis = relatif aux mœurs, de mores, pluriel de mos = mœurs. Li moralia in Job. En 1270, en philosophie ; vertu morale = vertu qui suit la lumière de la raison. En 1370-1372, ce qui concerne les mœurs. En 1403, ce qui concerne l’étude philosophique de cette science. En 1690, conforme aux bonnes mœurs.
Terme de philosophie : science des mœurs.
Éthique. n. f. XIIIe s. Latin impérial ethica = partie de la philosophie, du grec êthikon, neutre substantivé de êthikos = qui concerne les mœurs ; dérivé d’êthos = manière dêtre habituelle, caractère, dérivé de l’indo-européen swedh, swe, racine indiquant ce qui existe d’une manière autonome, ce qui a une existence propre.
Terme de philosophie : science des mœurs. Aristote : Éthique à Nicomaque.
Loi. n. f. vers 980. Latin legem, accusatif de lex = loi religieuse, puis loi en général = conventions passées entre particuliers, ensemble des préceptes de droit acceptés par l’assemblée des citoyens consultés par le magistrat et rendus publics par l’autorité compétente.
Lex s’oppose à jus = formule dictée, droit, et à consuetudo = coutume, abitude, genre, manière d’agir propre à un peuple, formé sur le supin consuescere, cum = avec et suescere = habituer, même racine indo-européenne que éthique, swe, indiquant l’appartenance de la personne à un groupe ; manière d’agir habituelle ; au XIIe s., manière d’agir fixée par l’usage ; au XVIe s., coutume devient le concurrent d’habitude.
En 1120, loi = volonté de Dieu, puis règle d’une société, d’un peuple émanant d’une autorité souveraine et sanctionnée par la force publique ; ensemble des règles établies par le législateur.
Vers 1130, règles, conventions établies à observer dans la pratique d’un art, d’un jeu, des rapports sociaux.
En 1587, règles imposées par les choses, les circonstances.
En 1580, ce que sa conscience prescrit à l’homme : loi de la nature, opposée à loi positive.
En 1677, formule générale énonçant une corrélation entre des phénomènes physiques, sens reprit par la conception de la science : loi physique, loi mathématique, loi chimique, etc.
II Philosophie et théologie.
Dans l’éthique à Nicomaque, Aristote définit la morale comme une science normative qui consiste à faire le bien et à éviter le mal. Pour préciser sa pensée, la morale s’appuis sur 4 vertus :
La prudence dispose la raison pratique à discerner en toute circonstance le véritable bien et à choisir les justes moyens de l’accomplir ;
La tempérance assure la maîtrise de la volonté sur les instincts et maintient les désirs dans les limites de la nature humaine, procurant l’équilibre dans l’usage des biens ;
La force, ou courage, permet dans les difficultés la fermeté et la constance dans la poursuite du bien, affermissant la résolution de résister aux tentations et de surmonter les obstacles dans la vie morale ;
La justice consiste dans la constante et ferme volonté de donner à chaque personne ce qui lui est universellement dû.
Les vertus sont donc des attitudes fermes, des dispositions stables, des perfections habituelles de l’intelligence et de la volonté qui règlent les actes, ordonnent les passions et guident la conduite. Elles procurent facilité, maîtrise et joie pour mener sa vie humaine. L’homme vertueux pratique librement le bien.
Pythagore célébra ce groupe de 4 vertus au retour de ses séjours au Proche-Orient, idée que reprit Socrate, mise en évidence par Platon, suivie par Aristote et par les philosophes stoïciens.
S’il existe bien d’autres vertus, celles-ci sont comme le fondement de la morale universelle. Elles sont normatives et, comme l’indique la philologie, positives.
Au XIIIe s., les philosophes scholastiques mirent en évidence une autre présentation de la morale :
La morale est le lien nécessaire qui existe entre le bien personnel et le bien commun. Aucune personne ne peut agir moralement si son action a pour résultat de nuire au bien commun, et à contrario, le bien commun ne peut s’exercer s’il attaque le bien de la personne.
Si la vie humaine est un bien inaliénable, la personne qui tue ou fait tuer agit d’une manière immorale, et, au nom de la société, aucune action ne peut permettre de faire tuer une personne au nom du bien commun.
Théologie morale.
A ces 4 vertus philosophiques fondamentales, les religions en ajoutent 3 autres dites théologales, car révélées ou déduites de textes sacrés.
Ces vertus se déduisent du culte des morts que la personne a toujours pratiqué. Si, en effet, personne n’avait pas espéré que l’homme ressuscite, il eût été superflu et sot de prier pour les morts et de prier les morts ; s’il a toujours envisagé une vie après sa vie, il agit d’une manière sage depuis le début des temps.
Par théologale, il faut entendre : ayant Dieu pour objet. Ces vertus disposent l'homme à vivre en relation avec Dieu.
La foi, la disposition à croire au Dieu révélé par le texte sacré.
L’espérance, la disposition à espérer la Béatitude
La charité, amour de soi et de son prochain pour l’amour de Dieu, et l’amour de Dieu pour toute personne.
Ces vertus ne sont pas toutes destinées à durer éternellement.
À la fin des temps, l’accès de tout homme au paradis, à la vision béatifique, à la contemplation de Dieu face à face, en mot quand l’homme réalisera sa nature propre, la foi en Dieu sera sans objet, car l’homme le verra ; l'espérance sera caduque, tout étant accompli.
Seule subsistera la charité ou amour de Dieu pour toute personne, de toute personne d’elle-même et des autres personnes, et de toute personne pour Dieu[.
Loi naturelle et morale naturelle.
Si la loi conserve son sens de 1677, qu’ajoute-t-elle à la notion de nature humaine.
Si la loi naturelle se fonde sur la nature des choses, cette définition conviendrait à la loi morale qui se fonde sur la nature de l'homme.
Tout homme possède la même nature. Non seulement chaque personne la possède par naissance, sans avoir besoin de la tenir d'un acte ni de pouvoir l’aliéner, mais les gouvernants sont tenus de la respecter et de la faire respecter.
Au sens large, la loi naturelle désignerait toute recherche objective de normes en fonction des caractéristiques propres à l'être humain, indépendamment des conceptions du droit positif en vigueur dans toute société humaine.
Ainsi loi naturelle et connaissance de la nature humaine sont des notions équivalentes.
Dans son principe, la morale suppose une société, car, comment imaginer, sans bien commun, qu’une personne puisse agir sous son unique regard contre son bien propre.
Société unidimensionnelle. Société multidimensionnelle.
Chaque société s’appuie sur 3 pieds :
La foi ou religion, la loi et le roi ou pouvoir politique.
Dans la société unidimensionnelle, théoriquement, chaque citoyen a la même foi, la même loi et le même roi. Vision idyllique que bien des régimes totalitaires, civil ou religieux, ont essayé d’imposer pour l’éternité. En vain.
Dans la société multidimensionnelle, le roi doit protéger le bien personnel de chaque personne et le bien commun de tous. Vision idyllique que bien des régimes démocratiques ont essayé de promouvoir. En vain.
Lorsque la théologie morale s’appuie sur la loi et la morale naturelles, elle commet un abus logique.
Lorsque la loi s’appuie sur un texte sacré pour régir la société, elle commet un abus de logique.
Bien personnel et bien commun.
Le bien personnel est-il unique, pour toute personne, en tout temps et en tout lieu. La tentative de la déclaration des droits de l’homme montre que ce bien personnel peut varier puisqu’il dépend des mœurs de la personne.
Le bien commun ne peut correspondre à un bien universellement reconnu, puisque chaque société crée son bien propre, dans le temps et dans l’espace.
Mais dans un temps et dans un espace donnés, ici et maintenant, la relation entre ces 2 biens restent une constante nécessaire et obligatoire sous des aspects variables.
Conclusion.
Si l’ensemble loi naturelle comprend le sous-ensemble nature humaine, la morale dépend de la loi, car la morale suppose une société composée de personnes.
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